Par Nathalie Chapleau, professeure à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Montréal
« Pourquoi est-ce si compliqué d’apprendre l’orthographe des mots en français? »
Les linguistes qualifient le français de langue « semi-opaque ». Cette caractéristique est plus évidente lorsque nous devons écrire. Par exemple, quand vous voyez le mot « bateau » dans un texte, vous fusionnez les graphèmes que vous avez associés à des phonèmes (/b/+/a/ = /ba/) pour former une première syllabe et vous poursuivez cette démarche pour la deuxième syllabe ce qui vous amène à identifier le mot avec précision. En écriture, il y a un défi supplémentaire pour respecter la norme orthographique. En effet, vous devez segmenter le mot que vous souhaitez orthographier en syllabes puis en phonèmes. Ensuite, vous devez choisir les graphèmes correspondant aux phonèmes afin de produire la bonne représentation orthographique du mot. Reprenons notre exemple du mot « bateau », lors de la production, allez-vous orthographier « bato », « batteau » ou « batau »? Toutes ces représentations écrites ont une correspondance phonologique adéquate. Pour y parvenir, il faut récupérer en mémoire la représentation du mot ou utiliser les connaissances sur la langue, comme la régularité orthographique concernant le phonème /o/ à la fin des mots qui est fréquemment orthographié « eau ». Donc, même pour un mot qui semble simple à orthographier, l’apprenti scripteur doit relever le défi de choisir la bonne orthographe.
En proposant différentes activités à votre enfant, vous pourrez le soutenir et faciliter l’apprentissage de l’orthographe.
1. La motricité fine
Le geste moteur permettant d’écrire les mots doit être fluide. C’est-à-dire que la reproduction des lettres ne doit pas présenter d’obstacles qui entrainent une fatigue importante et nuisent à la précision orthographique. Donc, il est possible d’utiliser des outils d’aide à l’écriture comme un manchon lesté. Aussi, votre enfant peut pratiquer la production de lettres en les traçant avec ses doigts dans du sable, sur une moustiquaire ou sur des lettres en relief.
2. La conscience phonologique
La conscience phonologique est la conscience que les mots se composent de rimes, de syllabes et de phonèmes. Pour orthographier, il faut être en mesure de segmenter les mots en syllabes et en phonèmes. Une activité pertinente est de présenter des images à l’enfant et lui demander de dire le mot en séparant chaque « sons » (ex. : p/o/mme).
3. Le principe alphabétique
Le principe alphabétique permet d’associer une lettre ou un groupe de lettres (graphème) à un son de la langue (phonème). Pour favoriser le développement de cette connaissance, il est possible de transformer un jeu de Bingo en jeu d’association « lettres-sons ». Sur la carte du jeu de Bingo, vous inscrivez des graphèmes (ex. : o, a, ch…). Puis, vous reproduisez des cartes sur lesquelles vous avez écrit les mêmes graphèmes. Vous nommez le « son » du graphème que vous avez pigé, sans montrer la carte à l’enfant. Il doit vérifier si ce graphème est inscrit sur sa carte afin de poser son jeton lui permettant d’avoir une ligne complète. Vous pouvez aussi utiliser des images : l’enfant nomme le mot correspondant à l’image pigée, segmente le mot pour trouver le premier « son » et cherche le graphème sur sa carte.
4. La norme orthographique
Un mot écrit avec précision respecte la norme orthographique. L’enfant doit s’approprier plusieurs connaissances pour y parvenir. Une activité intéressante à réaliser avec lui est de construire un outil personnalisé : le mini-dictionnaire. Dans un cahier, vous inscrivez une lettre de l’alphabet sur chacune des pages. Lors de l’étude des mots proposés par l’enseignant, vous suggérez à l’enfant de le recopier à la page correspondant à la première lettre du mot. Il peut se donner des indices pour mémoriser l’orthographe. Par exemple, à la page de la lettre « c », l’enfant inscrit « château ». À côté, il inscrit « gâteau » puisque le mot a des similitudes orthographiques. Il peut aussi inscrire d’autres mots dont il maitrise l’orthographe comme « château, chat, chapeau ». L’utilisation de phrases est aussi pertinente pour mémoriser l’orthographe des mots (ex. : Le chat a un chapeau en forme de château).
5. Le sens des mots
Les mots se composent d’unités de sens : les morphèmes. En jouant avec ces parties de mots, l’enfant peut apprendre leur orthographe en y associant un sens. Par exemple, vous pouvez créer des casse-têtes de mots avec des blocs. Vous inscrivez des morphèmes et l’enfant doit assembler les blocs pour former des mots. Puis, demandez à l’enfant de trouver le sens de ces parties de mots. Par exemple, sur un bloc, il y a le morphème « iste », sur un autre, il y a le mot de base « fleur ». L’enfant les assemble et explique que le suffixe « iste » signifie « la personne qui s’occupe de… ou la profession » (pour découvrir d’autres activités, voir Morpho+ https://www.morphoplus.com/construisdesmots).
Écrire c’est un peu comme une activité parascolaire, plus l’enfant la pratique, plus il développe des habiletés. Donc, utilisez les situations du quotidien (liste d’épicerie, carte d’anniversaire, cahier de communication…) pour partager des écrits avec l'enfant.
Découvrir l’utilité de l’écrit peut susciter le goût d’écrire chez votre enfant!
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